La fin contemplative constitue en vérité la ligne de force principale. Elle représente l’essence même de la vie carmélitaine depuis ses origines.
Le propos de Sainte Thérèse de Jésus avait été primitivement de fonder un seul monastère dans lequel un petit groupe de religieuses s’appliquerait à vivre « les conseils évangéliques aussi parfaitement que possible » en suivant la Règle primitive à l’exemple des ermites du Mont-Carmel dont l’occupation unique était la contemplation.
La nouvelle des guerres de religion en France l’a amenée à prolonger ce mode de vie strictement contempl
atif par un idéal apostolique qui assumerait dans la prière « les grandes nécessités de l’Église ». Sainte Thérèse et ses filles vivront toutes occupées à prier pour ceux qui « sont les défenseurs de l’Église, pour les prédicateurs et les théologiens ». Ce que disait sous une autre forme Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus et de la Sainte Face : « Je suis venue au carmel pour sauver les âmes et afin de prier pour les prêtres ».
L’idéal apostolique n’est pas surajouté à l’idéal contemplatif mais il en découle par une sorte de nécessité interne, comme un débordement de l’amour de Dieu en amour du prochain.
Tout apostolat actif proprement dit a été résolument écarté par la Réformatrice et aucune confusion n’est possible entre la « vie mixte » de la branche masculine des carmes et la vie purement contemplative des Carmélites.
Pour réaliser cet idéal, Sainte Thérèse de Jésus a mis en œuvre un certain nombre de « moyens » : oraison, silence, solitude, clôture, vie communautaire, travail …
Oraison
L’oraison est la caractéristique première et fondamentale de la vie carmélitaine. « Sans l’oraison le Carmel ne serait plus rien » (S.S. Léon XIII). Elle représente la mission traditionnelle et essentielle de l’Ordre exprimée par le précepte central de la Règle : « Méditer jour et nuit la loi du Seigneur ».
L’oraison est conçue à la fois comme un exercice de prière, « commerce d’amitié où l’on s’entretient souvent seul à seul avec Celui dont on sait qu’Il nous aime », ainsi que l’a si bien défini Sainte Thérèse, et comme une manière de vivre continuellement en présence de Dieu à l’imitation du Prophète Elie : « Il est vivant, Yahvé en Présence de Qui je me tiens ».
L’oraison comporte donc les 2 heures prescrites par les Constitutions, mais encore une attitude permanente de recueillement qui consiste à rechercher l’union intime avec Dieu tout au long de la journée à travers la liturgie et les diverses occupations…
Cependant, Sainte Thérèse précise bien : « Oraison et mollesse ne vont pas ensemble…Croire que le Seigneur accorde son amitié à des personnes amies de leurs aises et affranchies de toute épreuve, c’est une sottise ! »
Silence
La première exigence d’un recueillement habituel et intense est celui du silence ainsi que le prescrit la Règle : « nous vous ordonnons de garder le silence depuis la fin de Complies jusqu’après Prime (Laudes) du jour suivant. Pour le reste du temps, quoique l’observation du silence ne soit pas aussi rigoureuse, vous éviterez avec grand soin de parler beaucoup ».
Le climat de silence est lié à la solitude, élément aussi typique de la vie carmélitaine que l’oraison. La Règle prévoit que « chacun aura une cellule séparée ». C’est pourquoi Sainte Thérèse de Jésus organise aussi le travail en solitude exhortant ses filles à être : « non seulement des moniales mais des ermites ».
Cependant l’érémitisme originel de l’Ordre dont se réclame la Réforme thérésienne doit être vécu communautairement et il est exprimé par la clôture papale.
Clôture papale
Le témoignage public que les Carmélites doivent rendre au Christ et à l’Église comporte une séparation totale du monde
comme le demande le caractère et la finalité de la Réforme de Sainte Thérèse de Jésus pour qui la clôture permet le détachement de tout afin d’acquérir la liberté intérieure nécessaire à l’union parfaite avec Dieu : « Dieu ne se donne entièrement à nous que si nous nous donnons entièrement à Lui ».
La clôture ne sépare pas de la communion du Corps Mystique, bien plus elle situe les Carmélites au cœur même de l’Église à l’instar de Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus et de la Sainte-Face disant : « c’est seulement par la prière et le sacrifice que nous pouvons être utiles à l’Eglise ».
Il est remarquable que Sainte Thérèse de Jésus n’a jamais songé à fonder un carmel dans un désert ou loin des zones habitées comme le feront parfois les Carmes.